Le monopole du buzz

L’attention du consommateur est toujours plus disputée

Capter notre attention de consommateur est le défi permanent de tous les acteurs commerciaux. Nous sommes surexposés aux sirènes de la publicité et, par effet logique, de plus en plus blasés face à ses effets de manche. La compétition pour attirer notre regard est, cercle vicieux, toujours plus féroce.

Dans les secteurs culturels, un autre phénomène accentue encore cette concurrence pour la visibilité : la profusion de l’offre. C’est vrai dans le secteur « sociétoludique » (oui, c’est comme ça que vous devez dire désormais) comme ce l’est déjà depuis plusieurs années en musique, bande dessinée ou jeux vidéo. Ce contexte favorable aux consommateurs qui ont ainsi l’embarras du choix met les petits acteurs du milieu sous une forte pression économique. Les ventes se déroulent désormais sur des périodes de visibilité très courtes et le verdict des premières semaines dicte la survie ou non du studio indépendant.

Les projets phares sont surexposés

Plus d’acteurs et plus de sorties devrait naturellement se concrétiser en une visibilité toujours plus morcelée avec quelques minutes (15 ?) de notoriété pour chacun. Est-ce réellement le cas ? Non, car l’effet de cette profusion est plus pervers. Perdus que nous sommes dans cette jungle d’actualités, nous participons tous à sa simplification en attirant les projecteurs sur les projets déjà les plus en vue. C’est encore plus vrai pour les médias, échoués dans la spirale du contenu « vite écrit, vite lu, vite oublié mais vite monétisé ». D’où ce triste constat paradoxal : plus les sorties sont nombreuses, plus l’attention se concentre sur quelques projets phares. Effet renforcé bien sûr à coups de budgets marketing toujours plus faramineux. Voilà comment on se retrouve à entendre parler d’un film ou d’un jeu des mois durant tandis que, chaque semaine, la majorité des sorties passe totalement inaperçue.

Les monopoles décident de la météo

Cet effet est aussi la conséquence directe d’une concentration économique. Dans un monde internationalement concurrentiel, il ne reste finalement de place possible que pour les tout petits acteurs et leur marché de niche ou les très gros et leurs énormes moyens. Dans le monde du jeu de société français par exemple, deux situations proches du monopole méritent de s’interroger un instant.

Logo Asmodée Logo TricTrac

D’un côté le distributeur Asmodée, dans une logique forte d’expansion. De l’autre le site TricTrac, de loin le media le plus consulté sur la chose ludique. Ces deux acteurs participent par essence à l’effet de zoom évoqué plus haut. Pour promouvoir de bons jeux ou non, là n’est pas le propos. Mais, en attirant toute l’attention sur quelques projets déjà visibles, ils masquent sans aucun doute nombre de projets moins en vue mais tout aussi méritoires. Et comme expliqué plus haut, un jeu qui vient au monde avec Asmodée et TricTrac comme parrains est un jeu dont tous les autres acteurs du milieu (médias, blogueurs, boutiques, joueurs) vont devoir parler à leur tour pour ne pas risquer d’être en dehors du coup.

Dans un précédent billet, je disais tout le mal que je pensais de la surmédiatisation des campagnes Kickstarter. Mais, dans les faits, ces opérations de communication sont sans doute le meilleur moyen pour un petit acteur de se rendre visible sans l’aval des gros du secteur. Avec cependant d’autres effets pervers et injustices de visibilité, sinon ce serait trop simple.

Faut-il accuser les acteurs prépondérants du secteur ou les porteurs de projets qu’ils accompagnent ? Non, car ceux-ci comme les autres se battent avec des moyens autorisés et font le maximum pour des projets en lesquels ils croient. Espérons qu’il en soit toujours ainsi. De notre côté, et c’est tonton la morale qui vous parle : restons économes de notre attention et sachons lire entre les lignes les raisons d’une notoriété.

 

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Crédits visuel : Megaphone by Nicolas Vicent from the Noun Project


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