13 mauvaises raisons d’acheter ce jeu de société
Edit : ce billet est aussi paru sur le blog Gus&Co, vous pouvez aussi le lire et y réagir là-bas : http://gusandco.net/2015/03/28/13-mauvaises-raisons-pour-acheter-ce-jeu-de-societe/
Un autre billet de « tonton la morale » après celui consacré au phénomène de surmédiatisation des Kickstarter dans le jeu de société. Ne me remerciez pas et ouvrez grand les oreilles, vous avez beaucoup encore à apprendre.
Comme toute passion dévorante, le jeu de société s’avère vite dispendieux (sans parler problème de place, les boîtes de jeux occupant un volume certain).
Abreuvé d’information sur les nouvelles sorties, à la recherche du jeu parfait, le joueur est souvent invité à sortir le chéquier. Avec le risque de confondre le plaisir du jeu et l’acte d’achat. Bercé de mauvaises raisons qui le feront s’éloigner du plaisir ludique initialement recherché.
Voici donc une sélection de 13 arguments déjà entendus qui me semblent les signes annonciateurs d’un achat de trop.
1. Il ne reste que quelques heures pour l’acquérir
La rareté et l’imminence de la rupture de stock sont deux leviers de vente censés déclencher l’achat impulsif. Techniques bien connues des vendeurs de voitures et des plateformes comme Kickstarter.
Certes, dans quelques instants ce jeu ne sera plus disponible à la vente. Mais si l’éditeur orchestre sciemment cette disparition, n’est-ce pas pour vous forcer la main ? Si le jeu s’avère réellement bon, peut-on imaginer qu’il ne soit pas réédité un jour ou l’autre (et disponible en occasion d’ici là) ?
2. Le jeu est soldé
Autre technique de vente censée diminuer vos défenses rationnelles.
Si vous l’auriez acheté sans cela, cette promotion est une bonne occasion de l’acquérir à moindre prix. Sinon le jeu lui-même n’en est pas devenu subitement plus intéressant.
3. Le matériel est magnifique
L’attrait du joueur pour le matériel est du même acabit que celle du passionné de vielles voitures qui traque le moindre grain de poussière sur la carrosserie de son engin préféré. Mais si la mécanique ne suit pas, la frustration sera d’autant plus affirmée. Un jeu aura beau avoir un matériel splendide, il restera invisible dans sa boîte si il n’a pas d’autres atouts à proposer.
4. Le prix au kilo est imbattable
Un argument souvent entendu est celui du « au vu du matériel, on en a pour notre argent ». C’est faire bien peu de cas du plaisir ludique que de réduire celui-ci à un critère aussi bassement économique.
La valeur d’un produit culturel ne se réfère heureusement pas à son coût de fabrication ni même de conception.
5. Au pire je le revendrai
Acheter un jeu en pensant à sa revente c’est déjà le signe qu’on ne croit pas vraiment à son potentiel. Je sais que beaucoup de joueurs utilisent la revente pour tester un jeu. Il existe pourtant d’autres manières de se faire un avis (quelques pistes en fin de billet). La revente c’est du temps et de l’argent perdu, sans assurance de trouver un acquéreur.
6. Je trouverai plus tard les partenaires pour y jouer
Quand on achète un jeu, il faudrait déjà avoir en tête les prochaines occasions d’y jouer. Miser sur l’éventualité de trouver plus tard les partenaires et les sessions de jeu est l’assurance d’un jeu qui finira sous une couche de poussière sur l’étagère.
7. Tout le monde en parle
Entendre parler d’une nouvelle sortie à droite à gauche finit par donner envie de participer à la liesse générale. Mais le buzz ne suffit pas à assurer que le jeu soit bon pour vous. De plus, si un jeu est autant cité, vous aurez des occasions de l’essayer sans l’acheter lors d’un événement promotionnel ou par le biais d’autres acheteurs de votre connaissance.
8. Il a l’air « pas mal »
Honnêtement ? Avec tout ce que vous avez déjà dans votre ludothèque et les opportunités de sortir des bons jeux, vous allez vous contenter d’un jeu qui semble juste « pas mal » ?
9. Je ne me suis pas déplacé pour rien
Aller à une convention de jeu, à un festival ou même à un salon du jeu et revenir les mains vides ne sonne en rien comme une défaite. J’aurai même tendance à dire que c’est une belle victoire vu tous les arguments déployés par les vendeurs sur place.
10. Cet auteur ne m’a jamais déçu.
La nouvelle signature d’un auteur très apprécié apporte un apriori positif mais ne constitue pas, à elle seule, un gage de qualité. Votre sens critique doit rester en alerte quelque soient les conditions d’exercice. Soyez forts !
Marche aussi avec l’éditeur, la collection, etc.
11. Je suis fan des livres, films, jeux vidéo, séries télés
Le thème d’un jeu de société ne présage en rien de sa qualité ludique. J’aurai même tendance à dire que plus la licence originale est connue, plus son adaptation risque d’avoir placé l’aubaine commerciale avant l’effort de conception.
Là aussi, la vigilance est de mise.
12. J’ai déjà les 49 premiers exemplaires de la série
Dans chaque passionné il y a un collectionneur qui sommeille. Sans nier la satisfaction d’une étagère composée des x exemplaires d’une même série parfaitement alignés, faut-il vraiment maintenir l’erreur d’hier en continuant à acheter les épisodes d’une série que ne vous convainc plus depuis longtemps ?
13. En consommant je soutiens l’économie du jeu de société
Pour que le jeu subsiste, il faut en effet que les joueurs continuent d’acheter des jeux. Je ne prêche pas pour une diminution arbitraire de votre budget ludique mais plus pour une rationalisation des actes d’achat.
En effet, ne pas se précipiter sur les jeux qui vous font de l’œil vous permettra peut-être de dénicher le jeu moins clinquant mais que vous ressortirez à chaque occasion. Et par là même de soutenir des acteurs moins visibles mais tout aussi intéressant du monde ludique.
Le risque d’un achat impulsif est que le plaisir retiré soit éphémère et cantonné à l’acte d’achat en lui-même. Une fois la boîte ouverte et le jeu essayé la déception peut s’avérer cruelle.
(NdA : Comme vous l’avez sans doute deviné, je lutte moi-même quotidiennement contre la fièvre acheteuse. Je me soigne mais je n’évite pas les rechutes.)
Quelques pistes de réflexion à pratiquer avant de passer à l’achat :
- Se faire un avis (magazines, sites spécialisés et l’incontournable TricTracTV) et y lire en particulier les avis négatifs et contraires qui peuvent plus facilement alerter sur les défauts du jeu.
- Tester le jeu en festivals, conventions, chez des amis, dans un bar à jeux, les occasions ne manquent pas. Au pire, il est toujours possible d’offrir le jeu à un ami (il se reconnaitra) : vous ferez un heureux et si le jeu est bon il sera toujours le temps de l’acheter ou de se faire réinviter (j’attends la date).
- Se forcer à contempler sa ludothèque et ses pauvres jeux toujours sous cellophane avant de leur acheter un compagnon d’étagère. Pour cela, ayez toujours une photo de l’armoire à jeux dans votre smartphone.
- Se fixer des principes pour jouer ou revendre les jeux déjà achetés avant d’en acquérir de nouveaux (exemple du défi 10×10 promu par ddschutz).
- Remettre à demain, la nuit porte conseil.
- Attendre l’occasion d’y jouer.
- Acheter d’occasion (sur www.okkazeo.com par exemple) pour limiter l’amputation du portefeuille.
- Et surtout, achetez si ça vous plaît et si ça vous fait du bien, c’est votre argent après tout.
À lire sur le sujet :
- l’article inspirant de Potion rouge et Gus&co : 10 questions à se poser avant l’achat d’un jeu de société
- la série de Gus&Co sur le jeu de société et la société de consommation et en particulier celui sur la rivalité mimétique chère à René Girard.
- les conseils « slow gaming » Potion rouge et Gus&Co (toujours les mêmes décidément) : trop de jeux et pas assez de temps , un jeu c’est bien mais deux c’est encore mieux et Les 5 tendances que l’on voudrait voir plus dans les jeux de société en 2015 #5 slow gaming
Crédits photos : Game Room by Steve Petrucelli (Flickr)
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