Le jeu vidéo, passerelle vers le jeu de société ?
Édition du 27/12/15 : cet article a été profondément remanié suite aux commentaires reçus sur Twitter qui citaient de nouvelles pistes.
Un rapide billet pour faire de la page vue partager quelques faits éloignés en apparence mais qui semblent aller dans le même sens : celui d’une passerelle de plus en plus visible du jeu vidéo vers le jeu de société.
À première vue, il semble tout à fait logique que les deux univers ludiques du jeu vidéo et du jeu de société communiquent, soient pratiqués par les mêmes joueurs et connaissent le même succès. Mais dans les faits, le jeu vidéo a acquis une place centrale et universelle : votre mère joue à Call of Duty, votre petit cousin à Candy Crush, les événements du monde du jeu vidéo sont commentés en long, en large et de travers par la presse généraliste… Place que le jeu de société est encore très loin d’avoir atteinte.
On observe cependant depuis quelques années, un renouveau du jeu de société dans sa pratique et dans sa médiatisation. On pressent un élargissement de sa cible, une image qui se dépoussière et désinfantilise.
Une des clés pour accélérer ce mouvement est assez logiquement de faciliter les ponts entre le jeu vidéo déjà si pratiqué et le jeu de société. Que le jeu de société cherche à rallier les joueurs électroniques, cela ne surprendra personne. Mais que le jeu vidéo « superstar » tende le bras à son cousin de carton, c’était beaucoup moins prévisible et bien plus flatteur et prometteur pour le jeu de société.
Quelques signes récents de la sympathie du jeu vidéo pour le jeu de société
Je cite en vrac :
Premier signe : Des sites spécialisés dans le monde du jeu vidéo ouvrent leurs colonnes au jeu de société, à l’image de la référence américaine Polygon qui lui consacre une rubrique dédiée (mais invisible dans le menu de navigation ?!). C’est encore plus flagrant chez le petit nouveau Extralife.fr mène par des anciens de jeuxvideo.com qui a décidé de mettre au même niveau les deux mondes dans son concept et dans son menu de navigation. Car, comme l’expliquent les fondateurs, une majorité des équipes était grande amatrice du jeu de société et qu’il était donc naturel d’en parler dans leur nouveau chez-eux. Notons aussi l’exemple du Podcast spécialisé en jeux vidéo de Libération « Silence on joue » dans lequel officie l’inénarrable M.Phal de Trictrac.net depuis des années. Ou même la chronique (d’apparition aléatoire) « Canard Dé » dans le magazine Canard PC et le forum dédié sur le site qui a abouti au site lecoindujeu.com.
Deuxième signe : L’adaptation de plus en plus fréquente des grandes franchises de jeux vidéos en jeux de société. Malheureusement encore parfois sous la forme de Monopoly thématique (Assassins Creed ou Zelda ?!) mais de plus en plus souvent avec des mécaniques originales ou, au moins, cohérentes avec le sujet : Gears of War ou Starcraft (qui datent déjà) ou les plus récents XCOM, The Witcher, Portal, etc. Même les jeux de petits studios s’y plient (Banner Saga, This War Of Mine).
Troisième signe : Des jeux vidéos très populaires prennent l’apparence et les mécanismes de jeux en carton. Je parle bien entendu de Hearstone et de tous ses clones.
Quatrième signe : Les jeux vidéos vont jusqu’à mettre en scène des jeux de société au sein même de leurs univers (Merci à @BeRewt pour sa remarque à ce sujet). Classiques comme par exemple dans Red Dead Redemption (Poker, Poker menteur, Blackjack) ou inédits (comme le jeu des cartes Gwynt dans The Witcher 3, un véritable jeu dans le jeu). On remarque aussi que les « cartes à collectionner » deviennent une façon ludique de représenter dans un jeu vidéo l’évolution des capacités du joueur (exemples nombreux dans les adaptations sportives comme le mode « draft » de Fifa 2016).
Cinquième signe : Le jeu vidéo, notamment indépendant, tente de réintroduire la session de jeu à plusieurs dans la même pièce. Une façon de renouer avec la convivialité qui faisait le sel des consoles de jeu avant le passage au tout « en ligne ». On peut citer TowerFall, …. Certains jeux, comme Keep Talking and Nobody Explodes (merci à Geoffroy/@jjsntd pour sa remarque à ce sujet) s’éloignent même de l’écran pour introduire des gameplay intermédiaires entre le jeu vidéo et le jeu de société.
Sixième signe : L’apparition des figurines du jeu vidéo (Skylanders©®™, Amiibo©®™, etc.), est avant tout un moyen d’essorer les poches des joueurs à l’appétit collectionneur mais témoigne aussi d’une dilution des frontières.
Septième signe : Enfin, on constate une facilité pour les experts du jeu vidéo pour s’essayer au jeu de société. Ainsi de Manuel Rozoy (auteur de TIME Stories) qui travaille au quotidien chez l’éditeur Ubisoft.
Ces différents signes, pris séparément, ne sont pas fondamentalement neufs ou innovant. Mais leur généralisation me semble un signe encourageant pour la démocratisation de la pratique « cartoludique » (NdA. : néologisme en travaux, voir en fin d’article). On a l’impression d’une main tendue du marché mastodonte du jeu vidéo à son petit cousin. Même si les passages de l’un à l’autre ne sont pas immédiats, cela témoigne d’un dépoussiérage nouveau et bienvenu du jeu de société.
En parallèle, le monde du jeu de société continue ses appels du pied au cousin électronique
On le comprend :
Premier signe : L’adaptation numérique des jeux de société qui, déjà présente sur mobile et tablette depuis quelques années, investit la plate-forme phare du jeu vidéo PC : Steam (voir le tag « jeu de société »). L’éditeur Days Of Wonder y publie désormais toutes ses sorties numériques : Ticket to Ride, SmallWorld, etc.
Deuxième signe : L’apparition, bien sûr, des jeux hybrides qui font appel à un équipement numérique (tablette, smartphone) pour apporter des mécaniques originales au jeu de société, comme dans XCOM ou World of Yo-ho.
Troisième signe : Le jeu vidéo va lui-même puiser dans les références vidéo ludiques pour se rendre plus accessible. C’était par exemple le parti pris assumé de l’éditeur Libellud pour le jeu LoonyQuest jusqu’à l’intituler « le jeu de vidéo de société ».
Quatrième signe : Les auteurs de jeu de société vont chercher inspiration dans le jeu vidéo. Guillaume Lemery, co-auteur de Zombie 15 explique ainsi avoir voulu reproduire les sensations de jeu de Left 4 Dead (lire l’interview de Guillaume Lemery chez les Dragons Nains). Du côté des prototypes, on utilise aussi le jeu vidéo comme référence toute trouvée (Worms, Wolfenstein, etc.).
C’est de bon augure, n’est-ce pas ?
Crédits images : les images de jeux utilisées dans l’article sont la propriété de leurs éditeurs (Loony Quest de Libellud : image issue du pack de visuels disponible sur leur site / The Witcher 3, de CDProjekt : image issue du site de l’éditeur)
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