Ludo Incognito et le placement d’ouvrier #07 : Le succès du genre

Cet épisode est initialement paru dans l’épisode 105 du podcast Proxi-jeux.

Cette saison de podcast est consacrée à l’exploration en long, en large et de travers des jeux dits de placement d’ouvriers.

Malheureusement l’Acariâtre n’a pas pu se rendre disponible pour réaliser ce septième épisode. Heureusement deux individus ont proposé de le remplacer au pied levé (et pour pas un rond). On les écoute donc argumenter sur la place prépondérante du placement d’ouvriers dans le panthéon des jeux de gestion, tant chez les joueuses que chez les expertes du domaine. Autrement dit : on mesure le succès des jeux du genre en explorant les classements des joueurs et les prix spécialisés.

Sont cités dans cet épisode :

Proportions des mécaniques des jeux du top 100 boardGameGeek sous forme de nuage de mots

  • La chronique « Joueurs d’ailleurs » d’Hammer consacré au prix Spiel Des Jahres dans le présent épisode de Proxi-Jeux
  • Les lauréats du prix expert/connaisseur de Spiel des Jahres depuis la création du prix (en gras les jeux de placement d’ouvriers) :
    • 2006 : Caylus
    • 2008 : Agricola
    • 2010 : Un monde sans fin
    • 2011 : 7 Wonders
    • 2012 : Descendance
    • 2013 : Andor
    • 2014 : Istanbul
    • 2015 : Broom Service
    • 2016 : Isle of Skye
    • 2017 : Exit The Game
    • 2018 : Les Charlatans de Quedlinburg
  • Les lauréats du International Gamers Awards depuis 2006 (en gras les jeux de placement d’ouvriers) :
    • 2006 : Caylus
    • 2007 : Through the Ages: A Story of Civilization
    • 2008 : Agricola
    • 2009 : Le Havre
    • 2010 : Age of Industry
    • 2011 : 7 Wonders
    • 2012 : Trajan
    • 2013 : Terra Mystica
    • 2014 : Russian Railroads
    • 2015 : The Voyages of Marco Polo
    • 2016 : Mombasa
    • 2017 : Great Western Trail
    • 2018 : Rajas of the Ganges

La transcription intégrale de l’épisode est ci-dessous, bonne écoute !


Salut les joueuses.

Et salut les joueurs.

Vous vous souvenez ? C’est nous Groucho.

Et Karl.

Ça fait deux épisodes que le boss dresse un portrait bien peu reluisant du placement d’ouvriers. Il est marrant le boss. On est les premiers à dire qu’il y a des efforts à faire mais on ne veut pas non plus vous décourager d’y jouer !

 Alors on a décidé de prendre les choses en main. On profite d’une absence temporaire du patron pour reprendre enfin la parole et vous prouvez que le placement d’ouvriers est un genre majeur et très apprécié du jeu de société.

L’idée est belle Karl. Mais comment on fait au juste pour mesurer l’appréciation d’un genre de jeux ?

Une idée évidente serait de compter le nombre de copies du jeu vendues depuis sa création. Malheureusement les maisons d’édition de jeu de société ne communiquent pas si volontairement et si clairement sur leurs chiffres de vente. D’ailleurs, malgré nos relations dans le secteur, nous n’avons trouvé aucune communication officielle de Lookout Games, la société qui édite Agricola, sur les ventes de ce jeu phare du placement d’ouvriers.

Alors, estimer les ventes de tous les jeux de placement d’ouvrier c’est impossible et les comparer aux ventes moyennes d’autres types de jeux complètement infaisable. Et c’est bien dommage à mon avis.

Tant pis pour les ventes, alors mais on peut se pencher sur les avis du public, non ?

En octobre 2018, au lancement de cette saison de podcast, le boss vous avait interrogé, oui vous auditrices et auditeurs sur votre compréhension et appréciation du placement d’ouvrier. Sur les 70 participantes et participants, 52 ont déclaré adoré cette mécanique et 17 l’aiment beaucoup. Soit plus de 98% d’appréciateurs et un anonyme un peu rageur.

Mais bon, cet échantillon est très partisan car intéressé par le sujet et trop modeste pour en tirer des conclusions. Il faut trouver un public plus vaste.

Je sais ! On vous en avez déjà parlé ici : le site Boardgamegeek est la référence mondiale des informations sur le jeu de société. Le site permet de plus à chaque joueuse de donner une note et quelques autres informations subjectives sur chaque jeu. Et, comble du bonheur, le site facilite la collecte et l’analyse des informations qu’il contient (via une API pour ceux qui connaissent).

Le risque est de se perdre dans ce volume d’informations qui contient les jeux notoires mais aussi des dizaines de milliers de jeux inconnus au bataillon. Pour cette première analyse, je me suis donc intéressé au top 100 des jeux BGG. Grâce à un algorithme avancé qui prend en compte la note moyenne du jeu mais aussi le nombre de votantes et l’âge du jeu, BoardGameGeek attribue un rang à chaque jeu. Le top 100 est vu comme la crème de la crème des jeux de société. Mais attention, le public de BGG est un public de passionnées à tendance experte. Le classement BGG est donc avant tout constitué de jeux pour connaisseuses, à base de gestion et de stratégie et pas de petits jeux d’ambiance, qui sont en réalité bien plus vendus…

Revenons au placement d’ouvriers. À l’heure où j’enregistre cette chronique en mars 2019, parmi les 100 jeux les mieux classés du top BGG, on trouve 25 jeux qui sont étiquetés comme utilisant la mécanique du placement d’ouvriers. Soit un jeu sur 4 ! Le premier jeu de la liste est à la 18e place, c’est Viticulture, déjà présenté dans un épisode précédent.

Un jeu peut associer plusieurs mécaniques de jeux mais comme on l’a vu le placement d’ouvriers est souvent la mécanique principale, celle qui permet de sélectionner les actions d’un jeu. Et un jeu sur 4 des 100 jeux les plus appréciés met en scène cette mécanique, c’est tout simplement gigantesque !

Les mécaniques qui sont plus présentes que le placement d’ouvriers dans ce top 100 sont par exemple le draft de cartes, les rôles asymétriques, le lancer de dés et la gestion de mains mais ces mécaniques sont utilisées par des jeux très différents, qui ne forment pas un genre précis et reconnaissable.

Maintenant que nous ne sommes intéressés à l’avis des joueuses, qu’en pensent les expertes du domaine ?

Pour le savoir, il suffit d’observer les nombreux prix ludiques qui consacrent chaque année les meilleurs jeux sélectionnés par un jury d’expertes reconnues. J’en ai étudié deux.
Le premier est le Spiel Des Jahres, le fameux prix allemand. Si vous voulez en savoir plus à son sujet, allez donc écouter la chronique « Joueurs d’ailleurs » de Hammer qui lui est consacrée. Le jeu initiateur du placement d’ouvriers, Caylus, a remporté le prix du jeu expert Spiel des Jahres en 2006. C’est d’ailleurs la première année à avoir introduit cette idée de jeu expert qui deviendra par la suite le Kenner Spiel, jeu pour connaisseurs. Depuis 2006, 11 jeux ont remporté le prix expert du Spiel et parmi ceux-ci 3 sont des jeux de placement d’ouvriers : Caylus donc en 2006, puis Agricola, le jeu phare du genre, en 2008 et enfin Descendance en 2012.

Mais le Spiel Des Jahres même dans sa version experte, privilégie en réalité des jeux plus faciles d’accès que les jeux de gestion qui nous intéressent ici. Un autre prix plus axé stratégie est l’International Gamers Awards, un prix américain qui chaque année récompense le meilleur jeu de stratégie multi-joueurs et le meilleur jeu de stratégie deux joueurs. En 2006, Caylus remportait aussi cette récompense. Depuis 2006 ce sont 13 jeux qui ont été nommés meilleur jeu de stratégie multi-joueurs de l’année et parmi ceux-ci pas moins de 7 jeux utilisent la mécanique du placement d’ouvriers. Plus d’un sur deux ! Ce n’est plus du plébiscite c’est du quasi-monopole !

Dans la catégorie du jeu de stratégie pour deux joueurs on trouve aussi des représentants du genre comme Agricola Terres d’Elevage ou Le Havre Port fluvial tous deux de l’incontournable Uwe Rosenberg.

Uwe Rosenberg est un adepte de cette mécanique, ce n’est plus à prouver. On peut aussi citer Richard Brese et Jamey Stegmayer, tous deux déjà évoqués dans les épisodes précédents comme auteurs qui se sont emparés de cette mécanique et en assurent la promotion.

Un autre indice de la popularité du genre est à trouver du côté des médias ludiques.

Il n’a qu’à voir le nombre de top 10 du jeu de placements d’ouvriers chez les Youtubers ou blogueurs sociétlodiques pour comprendre qu’il s’agit là d’un genre incontournable.

Vous voyez, on vous l’avait bien dit ! Depuis son émergence, le placement d’ouvriers bénéficie d’une cote de popularité certaine et qui ne semble pas faiblir. C’est sans aucun doute la mécanique phare du jeu de gestion.

Le placement d’ouvrier occupe une place à part dans la liste des mécaniques de jeux, comme on tente à tout prix de vous le démontrer depuis le début de cette saison de chroniques. Plus complet, plus précis, plus central que les autres mécaniques. Même dans sa vision restrictive, incluant les aspects thématiques et matériels, le placement d’ouvriers est surreprésenté dans les jeux appréciés du public et des experts comme on a pu vous le démontrer aujourd’hui.

Cela dénote à la fois la grande accessibilité et la grande variabilité du placement d’ouvriers, pour que depuis 12 ans de nouveaux jeux trouvent encore de quoi étonner et séduire les joueuses. Bien sûr, le risque, et de finir par lasser les joueuses et certaines d’entre vous m’ont déjà indiqué y avoir trop joué et cherché désormais de nouveaux horizons ludiques. Nous pensons pour notre part que la facilité d’accès en fait un tremplin évident pour les nouvelles joueuses, avides de découvrir les jeux de gestion. Et nous sommes confiants dans les autrices de jeux pour réinventer encore le genre pendant de nombreuses années.

Longue vie au placement d’ouvriers !

Vous retrouverez toutes les listes de jeux et de classements détaillées dans le billet associé à cet épisode. On vous dit à bientôt !

Mais ! Qu’est-ce que vous faites ?!

Rien rien boss. On vérifiait le matériel.

On voulait juste être sûr que tout soit bien en place pour votre prochain enregistrement dans un mois.

Et c’est bien le cas, donc d’ici là, bah jouez bien !


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