Rédiger une règle de jeu : Vouvoyez et ordonnez

Dans cette série de billet, je propose des conseils pour la rédaction de règles de jeu de société


L’un des premiers choix lors de la rédaction de règles est la façon de s’adresser à la lectrice-joueuse. On distingue trois grands principes :

La troisième personne

La joueuse est tout simplement identifié comme… « la joueuse ». La règle décrit factuellement ce qui se passe autour de la table de jeu, sans s’adresser directement à sa lectrice.

Extrait de la règle de « Lucky numbers » (Michael Schacht, 2013, localisé par Tiki Editions)

En français cela donne cependant des phrases plus longes et beaucoup de répétitions.

Il faudrait faire une analyse plus poussée mais cette tournure des règles a, je pense, été majoritaire jusque récemment.

Un autre souci avec cette méthode c’est qu’elle genre le joueur au masculin. Récemment des jeux tentent l’écriture inclusive ou le féminin universel pour y remédier.

Le vouvoiement impératif

Certaines règles prennent le parti d’être une véritable recette ludique (™). Elles emploient donc le vouvoiement et l’impératif pour décrire pas à pas les actions de jeux.

En français cela a l’avantage de donner des phrases courtes et directes. Certaines phrases nécessitent tout-de-même le retour à la troisième personne pour les actions collectives (« toutes les joueuses », « chaque joueuse chacun son tour », etc.).

Extrait de la règle de « Lewis et Clark » (Cédrick Chaboussit, 2013, Ludonautes)

Là aussi, une analyse plus poussée est nécessaire mais j’ai le sentiment que le vouvoiement tend à devenir la nouvelle norme :

La règle de la nouvelle édition de « 7 Wonders » (Antoine Bauza, 2010, Repos Prod), ici à droite, emploie désormais le vouvoiement quand la première version (ici à gauche) employait la troisième personne.

Un des risques du « vous » est qu’il peut parfois être compris comme s’adressant à toutes les joueuses en même temps.

Le tutoiement

Le jeu c’est du sérieux et, avant d’entamer la partie d’Agricola, on n’a pas élevé les cochons ensemble. Le tutoiement se veut plus fun mais est souvent perçu comme infantilisant et il reste rare dans les règles de jeux de société non destinés aux enfants.

Extrait de la règle de « Les Tavernes de la vallée profonde » (Wolfgang Warsch, 2019, Schmidt Spiele) qui mêle troisième personne et tutoiement.

Quelle solution privilégier ?

Vous l’aurez compris, ma préférence et la tendance du moment s’accordent pour des règles qui vouvoient la lectrice, utilisent l’impératif et les listes à puces pour mettre l’accent sur les actions de jeux :

Extrait du livret de « Les Ruines perdues de Narak » (Elwen et Mín, 2020, Czech Games Edition)

Outre la concision ainsi gagnée, on gagne en lisibilité et ça met la joueuse directement dans l’action.

Comme vu dans les exemples précédents, cela ne doit pas empêcher de repasser à la troisième personne du singulier ou du pluriel lorsqu’il s’agit d’actions de jeux collectives (« chaque joueuse », « toutes les joueuses », etc.).

En conclusion et en image :


Note : les conseils prodigués ici n’engagent que moi et vous pouvez tout-à-fait questionner ma légitimité à ce sujet et réagir en commentaire !


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