Ludo Incognito #04 : Pour des boardgame studies !
Cinquième épisode de ma chronique podcast des écrits autour du jeu de société paru initialement dans l’épisode 93 du podcast Proxi-jeux.
Après quatre mois à parcourir les terres étranges de Luda Incognita sur les traces des grands explorateurs ludiques il est temps de faire une pause et de se demander à quoi rime ce voyage : pourquoi est-il si important d’étudier sérieusement le jeu ?
La transcription intégrale de l’épisode :
Cela fait déjà quatre mois que nous arpentons les contrées de Luda Incognita, cet étrange pays où les jeux sont rois.
Ici et là, nous avons suivi les traces sinueuses et pas toujours très lisibles des grands explorateurs qui nous ont précédé. Rappelez-vous Johan Huizinga qui voit du jeu partout et en fait surtout le fondement de toute culture, Roger Caillois qui tente de classer les jeux à coups de mots étranges et Jacques Henriot qui préférerait qu’on étudie le joueur plutôt que le jeu.
Même si j’en avais l’intuition, la lecture de ces trois auteurs considérés comme des piliers de l’étude du jeu m’ont fait réaliser à quel point le jeu était une chose incroyable quand on prenait enfin le temps de s’y pencher : incroyable car profondément, naturel, inné et universel mais, pour autant, impossible à définir ou à circonscrire précisément sans tomber dans des frontières trop restrictives et hasardeuses.
Après ce premier séjour en territoire ludique, il est cependant temps de se demander à quoi rime ce voyage. Pourquoi réfléchir quand on peut jouer ? Pourquoi interroger quand on peu pratiquer ? Faire du jeu un sujet d’étude ? Non mais t’es sérieux ?
J’y vois plusieurs raisons. La place du jeu est tel dans notre monde, depuis les premiers jeux du nouveau né jusqu’aux gamifications forcées à la mode, qu’il faut tenter de le comprendre pour comprendre qui nous-sommes. Le jeu a beaucoup à nous apprendre sur nous-mêmes, sur notre rapport au monde.
Si le jeu semble un sujet d’étude beaucoup moins justifié que ne peut l’être l’art par exemple, c’est qu’on l’associe encore beaucoup trop au domaine de l’enfance. Oubliant alors toutes ces pratiques adultes clairement ludiques (sports, jeu d’argent, jeux traditionnels, jeux télévisés, jeux mobiles) ou plus maquillés (société du spectacle et rituels en tout genre). Etudier le jeu, c’est permettre de faire percevoir la richesse qu’il contient : richesse culturelle mais aussi artisanale et économique bien sûr.
Depuis quelques années, le jeu s’est fait sa place à l’université, anglo-saxonne d’abord mais bientôt francophone. On parle de games studies. Les publications, conférences, recherches à ce sujet se multiplient. Très souvent consacré au seul jeu vidéo, car il s’agit d’un média plus répandu, plus riche et plus médiatique.Pour des game studies du jeu de société.
Pourquoi est-ce que je vous dis tout ça ? Parce que je pense que c’est aussi à nous, joueuses, joueurs de faire résonner/raisonner notre passion. De prendre du recul sur nos pratiques et d’assumer toutes les questions qu’elles soulèvent. Ambassadeurs de la cause ludique en quelque sorte.
Et puis ça nous donnera un bonne réponse à rétorquer à ceux qui nous reprochent de perdre notre temps : « je ne fais pas que jouer, j’étudie ». Le mois prochain, nous reprenons la route en Luda Incognita, il reste temps à découvrir. D’ici là jouez bien, (et lisez un peu quand même).
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